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mercredi 14 décembre 2011

Déroulement de carrière des salariés protégés et discrimination syndicale

La faible présence d’un salarié en raison de ses mandats représentatifs ne peut être invoquée par un employeur pour justifier ses décisions en matière d’avancement.

Dans un arrêt du 27 mai 2008, la Chambre Sociale de la Cour de cassation a énoncé qu'un employeur ne peut, fût-ce pour partie, prendre en compte les absences d'un salarié liées à ses activités syndicales pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement et la rémunération.

Il est possible de mettre en place des accords d’entreprise pour déterminer les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle. Toutefois, sauf application d’un accord collectif visant à neutraliser ou valoriser l’exercice d’activités syndicales, l’employeur ne doit en aucun cas y faire référence lors de l’évaluation professionnelle de salariés (Cass. Soc. 23 mars 2011).

La Chambre sociale de la Cour de cassation confirme cette jurisprudence dans un arrêt en date du 17 novembre 2011 n° 10-16.861.

Une salariée protégée avait réclamé réparation d’un préjudice estimant que l’exercice d’une activité syndicale avait freiné sa progression de carrière.

Ses demandes ont été rejetées par les juges d’appel. Leur décision a été cassée au terme de l’attendu suivant : « Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que les comptes rendus d'entretien d'évaluation pour les années 2005 à 2007 mentionnaient l'impossibilité d'apporter un jugement objectif sur l'activité de la salariée ou de fixer un objectif pour l'année à venir en raison de sa faible présence sur le site due à ses mandats représentatifs, et d'autre part que l'intéressée n'avait bénéficié d'aucun point de compétence depuis 2005, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés » (Code du travail articles L. 1132-1 et L. 1132-3).
La Cour de Cassation rappelle également, qu’à la différence du contentieux sur le principe « à travail égal, salaire égal », l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés. En pratique, toutefois, la fourniture par le salarié d’éléments démontrant une disparité de traitement
facilitera la démonstration qu’il a été victime de discrimination.

Cet arrêt pose une nouvelle fois la question difficile du déroulement de carrière des salariés protégés dont les absences sont importantes.

Un employeur ne peut se baser sur la faible présence d’un salarié protégé en raison de l’exercice de ses mandats pour expliquer une stagnation de sa carrière. Un tel motif constituerait une discrimination prohibée puisque ayant trait à ses fonctions syndicales.

Il doit, au contraire, prendre les mesures nécessaires pour que l’exercice de mandats par un salarié n’emporte pas d’incidence défavorable sur sa rémunération : ainsi pour le versement d’une prime variable, l’employeur doit déterminer, pour la part de l’activité correspondant aux mandats, une somme correspondant au montant moyen de cette prime versée, pour un temps équivalent, aux autres salariés, et, pour la part correspondant à son temps de production, une somme calculée sur la base d'objectifs réduits à la mesure de ce temps (Cass. soc. 6 juillet 2010).

JURITRAVAIL.