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mercredi 16 novembre 2011

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Modification du contrat ou changement des conditions de travail ?
Si la nouvelle répartition des horaires porte une atteinte excessive à la vie personnelle et familiale ou au droit au repos du salarié, elle s’analyse en une modification contractuelle.

Pour la première fois, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation dans deux arrêts (Soc. 3 novembre 2011, n°10-14.702 et n°10-30.033, FS-PB) dégage des critères précis permettant de conclure qu’une nouvelle répartition des horaires peut constituer une modification du contrat de travail.

En principe, la fixation des horaires de travail et leur modification relèvent du pouvoir de direction de l’employeur, ne nécessitant pas préalablement l’accord du salarié.

Cependant, la jurisprudence était déjà venue tempérer ce principe, estimant que le passage, même partiel, d’un horaire de jour à un horaire de nuit, ou inversement, constituait une modification du contrat de travail (Soc. 7 avril 2004, n°02-41.486) ou même que le passage d’un horaire fixe à un horaire modulé ou par cycle constituait également une modification du contrat de travail (Soc. 28 septembre 2010, n°08-43.161).

Il en est de même pour le passage d’un travail sur quatre jours à un travail sur cinq jours (Soc. 23 janvier 2001, n°98-44.483).

Dans notre espèce, la modification des horaires de travail concernait une salariée à temps plein qui travaillait du lundi au vendredi de 5h30 à 10h00 et de 15h00 à 17h00 ainsi que le samedi de 7h30 à 10h00.

L’employeur avait modifié ses horaires de travail en apportant une nouvelle répartition de sorte que la salariée était toujours amenée à travailler du lundi au samedi mais selon des horaires différents : du lundi au jeudi de 15h00 à 17h30 et de 18h00 à 21h00, le vendredi de 12h30 à 15h00 et de 16h00 à 21h00 et le samedi de 10h00 à 12h30 et de 17h00 à 20h00.

La salariée faisait valoir que ses nouveaux horaires représentaient un bouleversement de ses conditions de travail et avait saisi la Juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail.

En effet, l’employeur avait sensiblement modifié ses horaires de travail, la salariée travaillant majoritairement le matin et comportant seulement deux heures de travail l’après-midi.

En conséquence, la salariée estimait que cette modification des horaires portait atteinte au respect de sa vie personnelle et familiale et à son droit au repos.

A l’occasion de cette affaire, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a donc fixé un critère clair et précis :

« Sauf atteinte excessive aux droits du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l’instauration d’une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l’employeur. »

Il appartiendra donc au salarié de démontrer que la modification de ses horaires de travail ont un retentissement sur sa vie personnelle et familiale, notamment pour lui, l’obligation d’engager des frais de garde d’enfant supplémentaires etc..

Par ailleurs, ce retentissement doit avoir un caractère excessif.

Cette décision s’inspire en partie des règles applicables aux salariés engagés à temps partiel pour lesquels la Cour de Cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer, estimant que la modification des horaires journaliers pouvait être refusée par le salarié pour des raisons familiales impérieuses (Soc. 9 mai 2011, n°99-40.111).

Dans notre espèce, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation ne s’est pas prononcée sur la qualification à donner au changement d’horaires effectué par l’employeur.

Elle a simplement renvoyé les parties devant la Cour d’Appel de Besançon qui devra trancher ce litige au regard des nouveaux critères dégagés par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation.

Faut-il y voir pour autant l’application de critères subjectifs eu égard à la situation personnelle du salarié pour juger de ce que la nouvelle répartition constituerait une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale ?

Pas sûr, les Juges du fond devront apprécier cette atteinte excessive au regard de la situation normale de tout salarié placé dans une situation identique.

En tout état de cause, cette jurisprudence va rendre encore plus compliqué pour l’employeur la possibilité de modifier les horaires de travail de ses salariés, et de toute évidence, constitue une insécurité juridique évidente, source de contentieux.

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